Préserver le modèle français du volontariat chez les sapeurs-pompiers face aux normes européennes

Exposé des motifs

Mesdames, Messieurs,

La France peut se targuer d’un modèle exceptionnel de volontariat chez les sapeurs‑pompiers, un héritage riche en traditions d’engagement civique et de solidarité.

Ce système, fondé sur l’engagement citoyen altruiste, représente un pilier essentiel de notre sécurité civile. Pour preuve, ils représentent 79 % des effectifs et effectuent 67 % du temps d’intervention.

Au cœur de ce modèle se trouve la vocation de près de 200 000 femmes et hommes qui choisissent de consacrer leur temps et leurs compétences au service de la communauté nationale. Les sapeurs‑pompiers volontaires, par leur altruisme, incarnent les valeurs de solidarité et de responsabilité citoyennes qui font la fierté de notre Nation.

Grâce au volontariat, les sapeurs‑pompiers sont présents dans toute la France, et en particulier dans les régions rurales souvent éloignées des grands centres urbains. Leur engagement vient fréquemment combler les vides laissés par l’éloignement des infrastructures médicales, garantissant ainsi une présence rapide en cas d’urgence.

En leur absence, de nombreux centres de secours ruraux risqueraient la fermeture, accentuant le sentiment d’abandon chez un grand nombre de citoyens privés d’accès à des services publics essentiels.

À l’heure actuelle, le modèle français, fondé sur la complémentarité entre les sapeurs‑pompiers professionnels et les sapeurs‑pompiers volontaires, se trouve sérieusement menacé par une série de décisions.

La première d’entre elles est un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne Ville de Nivelles c. Rudy MATZAK du 21 février 2018. Cette décision a jugé qu’un sapeur‑pompier volontaire belge, devant se trouver à huit minutes maximum de sa caserne lors de ses périodes d’astreinte, a qualité de travailleur. Une telle interprétation est contraire à la définition de l’activité de sapeur‑pompier volontaire dans le droit français, en ce qu’il énonce qu’elle repose sur le volontariat, le bénévolat et n’est pas exercée à titre professionnel, mais dans des conditions qui lui sont propres (art. L. 723‑5 du code de la sécurité intérieure).

La deuxième décision préoccupante a été rendue par le tribunal administratif de Strasbourg le 24 mai 2023. Ce tribunal a jugé que les sapeurs‑pompiers volontaires constituent des travailleurs au sens de la directive européenne du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

La troisième décision est celle du Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe (CEDS), Union Syndicale Solidaires SDIS c. France du 14 février 2024. Le CEDS a conclu à une violation par la France de la Charte sociale européenne en raison de la différence de traitement entre les sapeurs‑pompiers volontaires et professionnels en matière de rémunération, ainsi que de la non‑prise en compte intégrale du temps de travail des volontaires.

Enfin, dans un registre différent, un rapport commun publié en décembre 2023 par l’Inspection générale de l’administration et l’Inspection générale de la sécurité civile a fait naître des préoccupations quant à la vulnérabilité du volontariat sapeur‑pompier face aux critères européens relatifs au « temps de travail », dérivés de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

Ce rapport formule par ailleurs des recommandations visant à inciter les directeurs des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) à élaborer un plan de réduction du nombre d’heures de gardes postées et à généraliser l’utilisation de contrats à durée déterminée pour les renforts saisonniers. Ces constats font une fois de plus ressortir les périls auxquels le volontariat sapeur‑pompier est confronté.

Face à ces menaces pour notre modèle de sécurité civile, la présente proposition de résolution vise à exprimer la volonté de l’Assemblée nationale de protéger et préserver le modèle français du volontariat chez les sapeurs‑pompiers.

Elle enjoint au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger et préserver le système de volontariat des sapeurs‑pompiers en France. Parallèlement, elle l’appelle à défendre avec détermination, au sein des instances européennes, la spécificité et la pertinence de notre système national, tout en favorisant la collaboration avec nos partenaires afin de partager les bonnes pratiques, dans le respect des modèles nationaux.

Enfin, elle affirme le soutien indéfectible de l’Assemblée nationale aux sapeurs‑pompiers volontaires en affirmant leur rôle essentiel dans le modèle français de sécurité civile.

En agissant ainsi, nous pouvons garantir la pérennité d’un modèle qui a fait ses preuves, tout en respectant les valeurs et les choix de chaque Nation en matière de sécurité civile.

Proposition de loi

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article L. 723‑5 du code de la sécurité intérieure disposant que l’activité de sapeur‑pompier volontaire repose sur le volontariat, le bénévolat et n’est pas exercée à titre professionnel dans des conditions qui lui sont propres,

Vu l’article L.723‑8 du code de la sécurité intérieure disposant que ni le code du travail ni le statut de de la fonction publique ne sont applicables à l’engagement des sapeurs‑pompiers volontaires,

Considérant l’importance vitale du modèle français de volontariat au sein des sapeurs‑pompiers, garantissant une réponse rapide et efficace aux situations d’urgence sur l’ensemble du territoire ;

Prenant en compte la diversité des missions assurées par les sapeurs‑pompiers volontaires, allant de la lutte contre les incendies à la gestion des catastrophes naturelles et aux interventions médicales d’urgence ;

Reconnaissant la spécificité du système français, qui repose largement sur le dévouement bénévole des citoyens au service de la communauté ;

Inquiète des possibles implications des décisions européennes susceptibles de remettre en question le modèle français du volontariat chez les sapeurs‑pompiers ;

  1.  . Invite le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger et préserver le système de volontariat des sapeurs‑pompiers en France ;
  2.  . Invite le gouvernement à défendre, au sein des instances européennes, la spécificité et la pertinence du modèle français du volontariat chez les sapeurs‑pompiers, tout en veillant à la non‑ingérence dans les choix nationaux en matière de sécurité civile ;
  3.  . Invite spécifiquement le gouvernement à négocier, au sein des instances européennes, l’exclusion des sapeurs‑pompiers volontaires de la directive européenne du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail ;
  4.  . Encourage le gouvernement à collaborer avec ses homologues européens pour partager les bonnes pratiques et renforcer la coopération dans le domaine de la sécurité civile, tout en respectant la diversité des modèles nationaux ;
  5.  . Affirme son soutien indéfectible aux sapeurs‑pompiers volontaires et reconnaît leur rôle essentiel dans la pérennisation du modèle français de sécurité civile.

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